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Le luxe s’empare du thème de la biodiversité
Economie

Le luxe s’empare du thème de la biodiversité

jeudi, 22 juillet 2021
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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13 min de lecture

Avec le dérèglement climatique qui devient de plus en plus « palpable », les atteintes à l’environnement et la dégradation accélérée de la biodiversité sont devenues des thèmes sur lesquels les grandes compagnies du luxe commencent à se mobiliser. L’urgence dicte aujourd’hui des actions concrètes.

Début juin, Rolex levait le voile sur les cinq lauréats de l’édition 2021 des prix Rolex, « des pionniers dont les projets audacieux contribueront à transformer le monde de demain », relève Rolex. À travers ce programme initié en 1976 à l’occasion du 50e anniversaire de l’Oyster, première montre étanche au monde, la Maison décidait de soutenir « des personnes remarquables dont les projets innovants renforcent nos connaissances du monde, protègent l’environnement en préservant habitats et espèces, et améliorent les conditions de vie sur terre ». Parmi les projets des cinq derniers lauréats, on notera celui du Népalais Rinzin Phunjok, qui œuvre à la protection d’écosystèmes d’une riche biodiversité dans la région transhimalayenne, ou encore celui de Brésilien Luiz Rocha, explorateur des récifs coraliens mésophotiques de l’océan Indien afin de les étudier et de veiller à leur biodiversité en renforçant les mesures de conservation de ces écosystèmes méconnus. Dans le même esprit, on peut encore citer celui de la Britannique Gina Moseley en train d’organiser la première expédition dans les grottes les plus septentrionales de la planète afin de renforcer nos connaissances du changement climatique en Arctique.

Gina Moseley 2021 Rolex Awards Laureate Gina Moseley a pour objectif de mener la première expédition d’exploration des grottes les plus septentrionales de la planète afin d’améliorer notre connaissance du changement climatique dans l’Arctique.

Si Rolex est à pied d’œuvre depuis longtemps déjà avec son initiative « Perpetual Planet », qui englobe également le programme « Mission Blue » de Sylvia Earle, destiné à préserver les océans, ainsi qu’un partenariat renforcé avec National Geographic depuis 1954 afin de mieux comprendre le changement climatique par la science, peut-on dire de même de l’ensemble de la gent horlogère ? Certainement pas. La prise de conscience a mis du temps à faire son chemin. D’autant que la question d’approvisionnement en métaux et pierres précieuses est également un aspect du métier qui a demandé une mobilisation générale de la profession afin d’éradiquer les pierres issues des zones de conflit et l’or exploité artisanalement dans des conditions désastreuses, au niveau tant social qu’environnemental. Si ces combats nécessitent certes encore une bonne dose de vigilance et un renforcement des systèmes de contrôle, on ne peut que constater les progrès réalisés dans ces domaines. Tout n’est assurément pas parfait, comme on vient encore de le découvrir avec les « rubis de la honte », ces pierres qui profitent à la junte militaire au pouvoir en Birmanie depuis le coup d’État mené contre le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi en février dernier et qui continuent d’être importées en Suisse à des fins joaillières. Mais là aussi, on relèvera la vigilance de Maisons comme Cartier ou Piaget, qui ont cessé tout commerce avec la Birmanie en 2017 déjà, ou Gübelin immédiatement après le coup d’État.

Les Maison horlogères ont entamé leur «révolution verte».

En parallèle de ces préoccupations concernant leur chaîne d’approvisionnement, les Maisons ont alors entamé leur « révolution verte ». De nos jours, celles qui sont partenaires d’une organisation de protection de l’environnement, de programmes scientifiques et d’exploration sont de plus en plus nombreuses. Tout a commencé du côté des constructions, afin de bien montrer que la fibre écologique fait partie de l’ADN de ces marques. Au menu : intégration dans l’environnement, matériaux recyclés ou naturels, panneaux solaires, géothermie, toits végétalisés, gestion automatique de la lumière, de la température, consommation d’électricité d’origine 100 % hydraulique, neutralité carbone, récupération de la chaleur et de l’eau de pluie… Audemars Piguet a montré la voie avec sa nouvelle usine répondant aux normes Minergie en 2009. Rolex devait suivre avec son site biennois, tout comme Panerai et son bâtiment basse consommation à Neuchâtel ou encore IWC, qui inaugurait en 2018 son nouveau Manufakturzentrum selon les principes du développement durable et Omega avec son nouveau site biennois à ossature en bois. Et il ne s’agit là que de quelques exemples, tant l’horlogerie helvétique a « poussé les murs » ces dernières années pour adapter ses capacités de production.

Breguet Race for Water à Hong Kong ©Peter Charaf

Cela ne devait évidemment pas suffire. Raison pour laquelle la cause environnementale a pris une nouvelle dimension. Et dans ce registre, ce sont les océans qui sont devenus le principal sujet de préoccupation. Toute Maison qui a participé à la conquête des mers et des abysses se retrouve aujourd’hui partenaire de l’une ou l’autre organisation active dans la préservation des mers ou la sensibilisation aux biotopes marins, à l’instar de Rolex (Mission Blue), comme indiqué, mais aussi de Breguet (Race for Water), de Breitling (Ocean Conservancy), d’Omega (Fondation GoodPlanet), Oris (Reef Restoration Foundation), Blancpain (Blancpain Ocean Commitment)… Cet engagement relève toutefois des partenariats classiques dans le domaine du luxe, de ceux sur lesquels les Maisons peuvent communiquer abondamment. Question de bien souligner les efforts entrepris en faveur de la planète. Mais encore une fois, impossible aujourd’hui de s’en contenter. Avec l’urgence climatique et les dérèglements que l’on commence à vivre au quotidien, avec la destruction des espèces et de leur habitat, les questions environnementales se doivent de dépasser aujourd’hui le stade de la bonne conscience et de passer de l’empreinte carbone à la biodiversité. Et dans ce registre, ce sont les compagnies de l’Hexagone qui montrent l’exemple.

Le bon élève Kering

Depuis 2019, François-Henri Pinault, patron de Kering, pilote le Fashion Pact, une coalition mondiale de 56 compagnies et 250 marques mise sur pied à la demande du président français Emmanuel Macron ayant pour objectifs d’enrayer le réchauffement climatique, de restaurer la biodiversité et de protéger les océans. Même si cette initiative a soulevé des critiques de la part des ONG dont aucune n’a été sollicitée pour soutenir cet élan écologique, elle va certainement dans le bon sens. C’est ce que relève Bertrand Piccard, le « héros » de Solar Impulse, l’avion solaire qui a fait le tour du monde par escales entre 2015 et 2016, et qui fait aujourd’hui partie des conseillers les grandes entreprises en matière environnementale. « Aujourd’hui, ce sont les P-DG du luxe qui poussent le gouvernement à agir, explique-t-il. L’industrie donne envie à la société de bouger : elle incarne un but à atteindre, en termes de tendances, de mode de vie. » Message parfaitement reçu au sein du groupe de François-Henri Pinault. « Chez Kering, nous voyons l’économie circulaire comme une opportunité de créer un modèle d’entreprise adapté aux attentes des générations nouvelles, qui travaille avec la nature plutôt que contre elle, explique Marie-Claire Dave, directrice du développement durable au sein du Groupe. Intégrer la circularité dans un business model, c’est changer ses pratiques en profondeur à chaque étape. Se poser la question du recyclage d’un produit ne suffit pas. Nous devons porter une attention particulière à sa longévité, offrir des services d’entretien, de réparation, et surtout innover dans la conception et les procédés de fabrication en réduisant l’impact sur les écosystèmes, les déchets, les consommations d’eau et d’énergie. »

Blancpain – Nadia Aly, lauréate Ocean Photographer of the Year 2020

Kering fait ainsi figure de bon élève, notamment grâce à son EP&L (Environmental Profit & Loss), un outil qui mesure, tout au long de la chaîne d’approvisionnement, les émissions de CO2, la consommation d’eau, la pollution de l’air et de l’eau, l’utilisation des sols et la production de déchets. Une innovation qui figure en open source sur son site. Objectif : la neutralité carbone d’ici 2050. À ce jour, Kering dit compenser intégralement les émissions de gaz à effet de serre générées par l’ensemble de ses activités, y compris sa chaîne d’approvisionnement, via notamment des programmes de protection des forêts. Mieux, la compagnie fixait l’an dernier ses objectifs afin d’atteindre un « impact net positif » sur la biodiversité d’ici 2025. Et d’annoncer à cette occasion le lancement d’un fonds de 5 millions d’euros pour favoriser l’agriculture régénératrice en partenariat avec Conservation International, ONG spécialisée dans la préservation de la Terre. Ce fonds va notamment permettre au Groupe de « convertir 1 million d’hectares de fermes et de pâturages dans les paysages de sa chaîne d’approvisionnement et de protéger un autre million d’hectares d’habitat crucial et irremplaçable en dehors de son périmètre ».

LVMH entend réhabiliter 5 millions d’hectares d’habitat de la faune et de la flore.

Cette sensibilité « verte », on la retrouve également chez LVMH, qui dévoilait en mars dernier ses engagements en faveur de la biodiversité, désormais un pilier de son nouveau programme d’action LIFE 360 mené en partenariat avec « ACT for biodiversity » de l’Unesco. « La biodiversité est en effet un véritable enjeu pour LVMH puisque tous les produits du Groupe sont dépendants de la nature, explique Hélène Valade, directrice du développement Environnement chez LVMH. Il n’y a pas de champagne sans raisin, pas de vêtements sans coton ou soie, pas de parfums et cosmétiques sans espèces végétales… L’ambition de LIFE 360 est donc de favoriser l’alliance de la créativité et de la nature, sans que l’une domine l’autre. Et pour cela, nous n’entendons pas seulement limiter nos impacts mais plutôt régénérer la biodiversité, rendre à la nature ce que nous lui empruntons. » Concrètement, cela veut dire que LVMH entend réhabiliter 5 millions d’hectares d’habitat de la faune et de la flore via des programmes d’agriculture régénératrice pour matières agricoles, de régénération des écosystèmes et de préservation des espèces végétales et animales particulièrement en danger. Guerlain avec les abeilles, Moët Hennessy avec l’exploitation des sols et Stella McCartney en matière d’agriculture sont déjà à pied d’œuvre. Un nouveau fond doté de 5 millions d’euros vient également d’être créé dans le but de s’attaquer aux origines de la déforestation et de la pollution des eaux dans le bassin amazonien.

Care For Wild – Kevin Pietersen, fondateur de SORAI et partenaire de Hublot

Chez Richemont, qui vient de publier son rapport 2021 sur le développement durable, les opérations du Groupe ne sont pas jugées à fort impact sur la biodiversité. La compagnie n’en relève pas moins son usage de matières premières comme l’or, les pierres précieuses, le cuir et le bois, qui, eux, sont nettement plus impactants. Raison pour laquelle, Richemont veille à ce que son approvisionnement soit en accord avec les principes de protection de l’environnement et d’utilisation durable des ressources naturelles. Et le rapport de donner trois exemples : sa préférence pour l’or recyclé et certifié RJC (Responsible Jewellery Council), qui passe notamment via sa propre fonderie Varinor, sa compensation carbone en faveur des forêts sauvages du bassin du Zambèze et son approvisionnement en cuir d’alligator en provenance des fermes d’élevage de Louisiane qui ont contribué à sauver l’espèce et son habitat naturel. Swatch Group suit-il le mouvement ? Dans son dernier rapport annuel, de biodiversité, point de trace… Et pourtant, le temps de la mobilisation est venu. Le WWF en appelle ainsi aux banques centrales et instituts financiers. « Il est temps que les banques centrales du monde entier reconnaissent que la dégradation de l’environnement, y compris la perte de biodiversité, pose des risques importants pour le système financier », expose le fonds pour la nature. Il demande ainsi aux banques centrales d’évaluer l’impact de leurs réglementations et d’inciter les banques, assurances et caisses de pension à emboîter le pas pour assurer la transition vers une économie plus durable. Un exemple pour les horlogers ? Hublot, de son côté, a embrassé la cause des rhinocéros ; Cartier vient de rejoindre le Lion’s Share Fund pour affronter la crise mondiale de la nature. Une liste qui ne demande qu’à être rallongée !

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