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Histoire & Pièces d'exception

Les organes de régulation de la montre d’hier à aujourd’hui – IVe partie

mercredi, 17 octobre 2018
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Vincent Daveau
Journaliste, horloger constructeur et historien diplômé

“Une heure de retard d’une jolie femme, c’est son quart d’heure d’avance. ”

Sacha Guitry

« La passion est le sel de la vie ! »

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7 min de lecture

De toutes les inventions ayant contribué à l’amélioration des montres mécaniques, celle de l’organe réglant est la plus essentielle, mais aussi la moins bien documentée. Pour corriger cette lacune, voici racontée l’histoire des échappements des origines aux nouveaux régulateurs en silicium. Quatrième partie : des échappements exotiques du XVIIIe siècle à l’échappement à ancre suisse dès 1753.

L’échappement à virgule compte aujourd’hui au nombre de ceux que l’on peut considérer comme exotiques, car cet organe réglant ne s’est pas imposé en production. La plupart des amateurs le connaissent à travers les démonstrateurs à découvrir dans les quelques musées d’horlogerie faisant la part belle à ce composant horloger, comme celui de Cluses, en France. On retiendra tout de même que ce mécanisme original, attribué à Jean-Antoine Lépine vers 1766, était potentiellement moins compliqué à produire qu’un groupe de régulation à cylindre, car la roue d’échappement était moins difficile à usiner et disposait d’un couple de relance élevé grâce à la virgule qui « projetait » le balancier comme l’aurait fait une chistera avec une balle. Comme on le voit, les horlogers du siècle des Lumières étaient des créatifs. De leurs inventions dépendait souvent leur succès auprès d’un public de notables prêts à les porter aux nues.

Rare donc exotique

Pierre-Augustin Caron, plus connu comme Caron de Beaumarchais (1732-1799), n’aurait certainement pas prétendu le contraire. Alors qu’il est âgé de 23 ans, une querelle l’opposa à l’horloger du roi Jean-André Lepaute (1722-1789) au sujet de l’invention de l’échappement à double virgule. Efficace, précis mais aussi complexe à produire, ce système est moins connu que la controverse qu’il entraîna pour savoir qui, de Beaumarchais ou Lepaute, en était vraiment l’inventeur. Lepaute l’avait expérimenté pour ses pendules tandis que Caron disait l’avoir inventé pour ses montres. La suite de l’histoire ? Une fois introduit à la Cour, le jeune Caron obtint une charge honorifique qui lui permit de cesser ses activités horlogères pour se consacrer à d’autres métiers, dont celui d’écrivain, de dramaturge – on lui doit le célèbre Mariage de Figaro –, de musicien et d’homme d’affaires. En conséquence, Lepaute put s’attribuer à loisir la paternité de l’échappement à double virgule.

Échappement à double virgule
Échappement à double virgule

L’échappement Duplex, organe réglant inventé par Pierre Leroy vers 1750, serait une itération fiabilisée de celui mis au point par Dutertre quelques années plus tôt. Intéressant et plutôt joli, il n’eut guère de succès car arrivé au moment même où l’invention de la détente dans l’échappement à coup perdu allait emporter le marché de la haute précision. Dans le même esprit, on retiendra également comme exotique l’échappement à repos, ressemblant à une « double virgule », de l’horloger de Béthune, à comparer avec celui proposé à son époque par Galilée pour son mobile à pendule. Appliqué à certaines horloges du XVIIIe siècle, ce système semble n’avoir jamais été utilisé de façon industrielle dans une montre.

Échappements libres pour montres classiques

De tous les échappements conçus et fabriqués par des horlogers, celui le plus adapté à la production en série avec les meilleurs rendements est sans conteste celui mis au point par Thomas Mudge (1715-1794). Cet échappement libre baptisé « à ancre », parce que la forme d’un de ses composants ressemble à une ancre de marine, a très rapidement su attirer l’attention des maîtres en quête d’un système capable de faire gagner encore une décimale en matière de précision. Ce mécanisme, clairement extrapolé de celui mis au point par George Graham (1673-1751) pour ses pendules, également employé dans les chronomètres de marine Le Roy, a étonnamment mis du temps à s’imposer. Nombre d’horlogers lui ont longtemps préféré le cylindre, quand ils n’essayaient pas tous les autres types d’échappement existants. Ce retard pris dans l’utilisation de l’échappement à ancre est sans nul doute lié à la difficulté pour les horlogers de trouver des pierres d’horlogerie et ce, jusqu’au début du XIXe siècle.

Avec l’essor de l’industrialisation, le but était alors de fabriquer en série et au coût le plus ajusté un produit de qualité suffisante pour satisfaire le plus grand nombre.

De plus, le cylindre, parfaitement adapté à la fabrication en petites séries par des artisans peu qualifiés, a permis l’essor rapide à la fin du siècle des Lumières de centres de production horlogers au cœur du Jura, notamment à Japy, Fontainemelon, Le Locle, La Chaux-de-Fonds ou Fleurier. Avec l’essor de l’industrialisation, le but était alors de fabriquer en série et au coût le plus ajusté un produit de qualité suffisante pour satisfaire le plus grand nombre. Or la montre à cylindre répondait à toutes ces attentes. Raisonnablement précise, possiblement très fine – des exemples datant du début du XIXe siècle défient l’entendement –, elle suffisait alors aux hommes de l’époque. Les scientifiques et les marins disposaient quant à eux d’instruments horlogers plus techniques, dotés notamment d’échappements spéciaux ou d’échappements à détente avec ancres anglaises et transmission fusée-chaîne.

La suprématie de l’ancre suisse

On se demande souvent quelles sont les raisons à la base du développement subit des échappements à ancre. Incontestablement, la généralisation des pierres d’horlogerie (rubis, saphirs ou spinelles) et leur taille précise y ont largement contribué dans l’horlogerie haut de gamme. De leur côté, les ancres anglaises, avec leur roue d’échappement pointue, avaient des ancres spécifiques dont les pierres, enchâssées à l’horizontale, étaient souvent et malheureusement complexes à partager, soit l’art de régler la longueur active des pierres d’ancre pour les repos et les impulsions. Au final, la façon de faire suisse devait l’emporter, car la roue d’échappement était de construction plus aisée à fabriquer que la roue d’échappement des montres à cylindre.

Échappement à ancre de côté à roue à talon
Échappement à ancre de côté à roue à talon

Une fois la fabrication de ce composant maîtrisée, la production de montres dotées d’un tel échappement devenait aisée pour une manufacture maîtrisant également la réalisation de balanciers de qualité. Pour avoir une rigueur chronométrique, ceux-ci devaient être fabriqués en acier et laiton, coupés puis équilibrés par des masses additionnelles. Un tel traitement devait permettre un nouveau saut quantique en matière de précision. Il n’était d’ailleurs pas rare à l’époque que les bons régleurs parviennent à une précision que les horlogers d’aujourd’hui n’ont toujours pas réussi à battre. De nos jours, le système d’échappement à ancre suisse est le plus courant de tous et le plus adapté à une production en série dans des tolérances chronométriques acceptables. Il a toutefois beaucoup évolué ces dernières années avec l’introduction de nouveaux matériaux comme le silicium. Au point qu’il pourrait certainement prendre une nouvelle désignation.

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