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Micro-usine pour maxi-révolution
Regards de connaisseurs

Micro-usine pour maxi-révolution

mercredi, 25 novembre 2020
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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6 min de lecture

Le MicroLean Lab, consortium public-privé auquel participe notamment Richemont, développe la micro-usine du futur. Un concept qui va potentiellement bouleverser toute notre organisation socio-économique jusqu’aux habitudes de consommation. Bienvenue dans le monde de l’artisanat industriel, où le client est vraiment roi.

Depuis un siècle et demi et le début de l’ère industrielle, c’est le même modèle de production qui domine : les objets sont fabriqués à la chaîne et en masse, stockés à grands frais, puis vendus au plus grand nombre avec un acharnement qui trouve sa source dans l’obligation des producteurs de rentabiliser un outil industriel extrêmement onéreux. Sans cesse optimisée, cette économie de l’offre s’appuie aujourd’hui en amont sur les neurosciences et l’analyse comportementale – désormais traqués par les big data – afin d’estimer la demande ; puis sur un marketing et une communication lourde en aval afin de pousser les produits vers les consommateurs. Avec le risque, évidemment, de ne pas écouler les stocks. Et si une autre approche était possible ? Un schéma qui renverserait entièrement la chaîne de valeur, où le client ne subirait plus l’offre venue d’en haut mais initierait la demande depuis le bas ! C’est l’espoir que fait naître le concept de micro-usine autonome et connectée, actuellement incubée au MicroLean Lab, un consortium public-privé qui réunit la Haute École Arc (HE-Arc) Ingénierie de Suisse occidentale et une quinzaine d’entreprises helvétiques, parmi lesquelles ETA et Richemont.

Des « apps » comme outils

Lancé en juillet 2019 avec les premiers partenaires et inauguré officiellement en octobre 2020, le MicroLean Lab est un incubateur où se développe une micro-usine qui promet une maxi-révolution. Directeur de la HE-Arc Ingénierie, Philippe Grize la décrivait ainsi à la dernière Journée d’étude de la Société suisse de chronométrie : « Imaginez une micro-usine qui soit capable d’accueillir des apps en s’inspirant d’un business model qui a émergé il y a 10 ans, celui du smartphone. Imaginez que ces apps soient des technologies de fabrication, d’assemblage et de contrôle reconfigurables facilement en fonction de ce qui doit être produit. Imaginez que les coûts d’acquisition de ces technologies ne soient plus nécessairement à amortir sur 10 ans, mais que les fabricants de ces apps soient rétribués dans une logique de “Machine as a Service” ».

Tout le concept est inspiré du monde numérique.

Le prototype de la micro-usine fait apparaître un meuble en bois doté de compartiments modulables. Ces alvéoles sont équipées de blocs technologiques, comme une fraiseuse cinq axes (la Mirco5, par exemple, présentée en 2016 par la même école), une imprimante 3D, une station de lavage, de décolletage, une unité de contrôle d’aspect ou de mesures dimensionnelles. Autant d’outils programmables en fonction de la demande, interconnectés et reliés entre eux par des minirobots capables d’acheminer la matière première ou les composants finis, de réaliser l’assemblage ou d’effectuer la maintenance. « Tout le concept est inspiré du monde numérique, explique Max Monti, responsable des partenariats et de la valorisation au MicroLean Lab. L’infrastructure représente le smartphone ; les blocs technologiques interconnectés sont les apps ; et la standardisation des processus de production, incarnés par les minirobots, constitue le système d’exploitation. »

Ressusciter le paysan horloger

À ce stade, l’idée que l’on puisse réaliser un objet fini – en l’occurrence micromécanique, comme une montre ! – à l’intérieur d’un unique meuble en bois est déjà extraordinaire. Mais le nouvel imaginaire industriel qu’offre ce concept l’est plus encore : il ouvre les portes à un champ des possibles susceptible de bouleverser jusqu’à notre organisation socio-économique et nos habitudes de consommation.

Le prototype de la micro-usine est réalisé en bois suisse – un matériau renouvelable, qui absorbe parfaitement les vibrations.
Le prototype de la micro-usine est réalisé en bois suisse – un matériau renouvelable, qui absorbe parfaitement les vibrations.

Premièrement, l’empreinte au sol de telles unités de production – cinq fois moins importante que l’équivalent conventionnel – et leur consommation d’énergie – dix fois moindre – laisse envisager un retour de l’industrie au centre des villes, voire dans les villages. Les vastes usines en zones périurbaines et leurs cortèges de pendulaires auront vécu. Il est même permis d’imaginer l’installation de certains blocs technologiques à domicile. Une relocalisation industrielle qui va dans le sens des préoccupations actuelles pour une consommation locale. De quoi ressusciter le mythe du paysan horloger ?

L’idée est ici de donner le pouvoir au client final.

Les nouvelles technologiques ensuite, comme le « machine learning » via l’intelligence artificielle, l’Internet des objets ou la blockchain, ouvrent de nouvelles perspectives dans le domaine des relations commerciales entre acteurs industriels. Aujourd’hui, les fabricants de machines-outils vendent leur production à des prix conséquents. Une activité directement dépendante de la conjoncture. Mais demain, ces mêmes industriels pourraient mettre leurs machines à disposition, contre une rémunération à la pièce ou à l’heure – une solution « machine as a service », exactement comme une app gratuite, sur laquelle les services sont payants.

Changement de paradigme

Une telle évolution nécessite cependant une mise en réseau et un désilotage des entreprises – fournisseurs d’équipements, sous-traitants et marques. Pour peu que l’industrie horlogère s’y convertisse après avoir mis en veilleuse sa culture du secret, cette nouvelle organisation rendrait possible un renversement complet de la chaîne de valeur. La digitalisation sous-tendue par le concept « Industrie 4.0 » est à même de transformer le modèle actuel « B to B to C » – qui pousse le produit vers le client – en « C to B to B ». L’idée est ici de donner le pouvoir au client final. Avec sa commande, c’est lui qui vient déclencher à distance le processus impliquant l’ensemble des acteurs industriels, désormais interconnectés et flexibles, capables de fabriquer à la chaîne des produits sur-mesure – une sorte d’industrie artisanale.

MicroLean Lab: Smart Manufacturing

La crise sanitaire et le dérèglement climatique ont mis un peu plus en évidence les principaux écueils induits par la mondialisation : problèmes d’approvisionnement, d’ordre sociétal et environnemental. Si elle n’est pas une solution miracle, la micro-usine rend possible la relocalisation d’une industrie reformatée, plus efficiente, durable et écologique. Avec en prime un modèle économique centré sur le client. L’avenir ne fait que commencer…

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