« J’ai commencé à travailler avec des montres lorsque j’avais 12 ans, mais je n’en avais pas franchement envie, rigole Anthony L. Ce que je veux dire par là, c’est que mon père horloger souhaitait m’instruire dès mon plus jeune âge aux secrets de ce métier qui demande un long apprentissage. » L’enfance d’Anthony L. se résume donc par un réveil militaire à 5h30 du matin pour travailler minutieusement sur des mouvements horlogers, avant de s’en aller à 8 heures rejoindre les bancs de son école. Une fois rentré à la maison, c’est sur les bancs de son travail qu’il passait la fin de sa journée à peaufiner un calibre ETA. « Je détestais ça ! J’étais un enfant, mes amis pouvaient regarder des dessins animés et aller jouer dehors, mais moi, je devais polir une pièce ou lire un livre inintéressant sur le fonctionnement d’un tourbillon. » Après une formation si précoce, forcée mais pas nécessairement contrainte, c’est tout naturellement qu’Anthony est devenu horloger.
Méconnaissance crasse
Sa carrière a débuté dans une boutique multimarque, en tant que réparateur. « Un jour, le magasin a été cambriolé. C’était comme dans les films : plusieurs brigands masqués avec des armes à feu qui comptaient les minutes à voix haute pour savoir quand la police allait débarquer. J’étais terrifié ! Heureusement, personne n’a été blessé », explique Anthony L., encore exalté par cette histoire si excitante. Bien que déstabilisant, cet événement n’a eu aucun impact sur la suite de sa carrière d’horloger. Il a donc poursuivi dans cette voie qu’il considère pourtant semée d’embûches. « Les gens n’ont pas l’habitude de voir un horloger aussi jeune ! s’exclame-t-il. On a généralement la vision d’un vieillard timide, caché derrière son établi. Mais moi, j’étais jeune, avec un franc-parler peu commun dans le milieu. » Fort d’une expérience pratiquement aussi vieille que l’apprentissage de l’alphabet, Anthony L. a très vite attiré l’attention de ses pairs par la qualité de son travail.
Mais là n’était pas le but premier du jeune horloger. Il réalise en effet à quel point certains des clients habituels qu’il côtoie depuis de nombreuses années présentent un déficit de connaissances relatives à l’horlogerie important. Même constat auprès de certains vendeurs, peu à même d’informer, de renseigner et de conseiller au mieux leurs clients quant aux questions techniques. « Un jour, un client est venu me voir pour changer la pile de sa montre. Imaginez ma surprise lorsque j’ai constaté que sa montre était mécanique. Après explication, il ne comprenait toujours pas comment tout cela pouvait bien fonctionner. Et ce n’est de loin pas un cas isolé. Il y a quelques jours encore, un autre de mes clients ne comprenait pas pourquoi sa montre automatique ne se rechargeait pas lorsqu’elle n’était pas portée. J’ai dû prendre 10 bonnes minutes pour lui expliquer comment cela fonctionnait. » Ces nombreux échanges avec une clientèle si peu au fait des principes de base de l’horlogerie ont ainsi incité Anthony L. à rédiger un outil permettant d’informer et instruire les profanes de manière simple.
Un détour par Instragram
L’ouvrage est facile d’accès et permet une lecture non linéaire. La majorité des thématiques horlogères y sont abordées : comment prendre soin de sa montre, comment reconnaître une fausse Rolex, quand faire une révision, comment parler à un réparateur, comment choisir un modèle, comment faire fonctionner un mouvement… Amateurs d’envolées lyriques et de grande littérature, passez votre chemin, le livre est écrit comme on parle. Anthony L. : « Je ne souhaite pas romancer l’horlogerie, je veux exposer les faits comme ils sont. Je ne souhaite pas davantage ennuyer les lecteurs. Pour moi, il faut dire les choses franchement et sans détour. » Le titre de l’ouvrage – No BS Watch Tips, qui signifie dans la langue de Molière « des astuces horlogères sans foutaises » – reflète parfaitement l’état d’esprit qui infuse le livre dans son ensemble.
Dans un premier temps, les ventes de l’ouvrage ont eu quelque peine à décoller, avant sa mise en vente sur Amazon, synonyme de franc succès. Pour pousser la démarche marketing, Anthony L. a ouvert un compte Instagram narrant les péripéties qu’il rencontre dans sa vie de tous les jours avec ses clients. Un compte hilarant, instructif et très rafraîchissant dans le contexte actuel où Instagram pullule de comptes focalisés uniquement sur les produits. Pour un bol d’air vivifiant, une petite visite s’impose.
Quant à vous, grand connaisseur du milieu horloger, No BS Watch Tips ne vous apprendra certainement pas grand-chose, mais l’ouvrage suscitera probablement l’esquisse de quelques sourires au sujet de certains aspects moins connus du grand public. Si vous êtes amateurs d’horlogerie et avides de vous instruire, ce livre a définitivement une place dans votre bibliothèque.